[Analyse] Impact sanitaire de Fukushima: une désinformation suspecte par Julien Baldassarra

Vidéo

Dans cette vidéo, j’analyse longuement un article paru dans Le Vent Se Lève et écrit par Julien Baldassarra qui attaque assez violemment ce que je dis de l’impact sanitaire de Fukushima dans une vidéo.


Résumé

Une vidéo qui résume le sujet est disponible :

Sources

L’article du Vent Se Lève que je décortique ici: IMPACT SANITAIRE DE FUKUSHIMA : UNE DÉSINFORMATION SUSPECTE par Julien Baldassarra et qui attaque ma vidéo sur les impacts sanitaires des rayonnements ionisants.

M. Baldassarra m’a déjà attaqué dans une tribune de Reporterre (en diffamant… tout simplement… calomnier, calomnier, il en restera quelque chose !).

Médias sur le même sujet

Vulgarisation

  • L’article scientifique dont j’ai tiré la figure sur les cohortes et la citation sur Fukushima.
  • L’exposition à la radioactivité naturelle en France.
  • Deux applications du modèle linéaire sans seuil. La première souligne bien les limites du modèle linéaire sans seuil The LNT model has been employed extensively in the radiation safety and prevention communities, yet some studies have questioned its validity at low doses resulting in an ongoing debate. Il y a également un commentaire de cette étude ici. La seconde souligne également les limites du modèle linéaire sans seuil: Although the LNT-model has been employed extensively in radiation safety , several arguments about its validity and response at low doses still remain unresolved. Même les études appliquant un modèle linéaire sans seuil souligne que cette application est discutable !
  • Le rapport de l’académie des sciences et de l’académie de médecine sur le modèle linéaire sans seuil.
  • Une source dont je me suis servi pour le rapide calcul du nombre total de nouveaux cancers au Japon.

Critiques du modèle linéaire sans seuil

Première et seconde parties

Suivi de doses des travailleurs sur le site de la centrale de Fukushima

Troisième partie et impacts psychologiques des accidents nucléaires

Quatrième partie et état des installations à Fukushima

Contamination de l’alimentation

Commission Internationale de Radioprotection (CIRP)

Autres

Complément sur la troisième partie

Je vais ajouter ici quelques informations sur les quelques paragraphes que je n’ai pas abordé en vidéo. Les textes en italiques sont directement copiées depuis l’article du Vent se Lève.

LES LEÇONS DE TCHERNOBYL À titre de comparaison, du point de vue sanitaire, l’après-Tchernobyl est édifiant. Les statistiques médicales biélorusses et ukrainiennes révèlent une dégradation spectaculaire et continue de l’état de santé des populations touchées par les retombées de l’accident de Tchernobyl en 1986[19].

Une source est utilisée deux fois dans le texte ([19] et [21]) pour accompagner de grosses affirmations. C’est un livre qui a été publié sans revue par les pairs. Comme les affirmations sont très fortes, cinq revues ont été faites a posteriori. Sur les 5, une seule se contente de critiques mineurs, les autres (i) (ii) (iii) (iv) critiquant sévèrement le livre. Si ce livre avait été revu par les pairs, il n’aurait pas été publié.

Je ne me suis pas arrêté là. J’avais trouvé cette source en faisant la vidéo et je l’ai rejeté parce que j’en ai lu de gros bouts et que je comprends bien pourquoi cette source a été fortement critiqué par la communauté scientifique. J’en avais déjà parlé dans un passage de ma vidéo sur le sujet (jusqu’à 41:27) où je parle de deux sources dont celle-ci dans un second temps. J’avais donc anticipé l’usage de ce type de documents… Mais ça n’a rien changer.

Avec la méthode de travail que je me suis fixé sur cette chaîne, je ne peux pas mettre en avant du contenu qui a été critiqué par les spécialistes pour des raisons valables. Sinon, j’aurais pu produire du contenu climato-sceptique, par exemple.

Bien que les organismes onusiens comme l’UNSCEAR ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS) refusent d’accréditer l’hypothèse que les faibles doses de radioactivité ingérées depuis l’accident de Tchernobyl puissent en être la cause, aucune étude scientifique ne permet par exemple d’expliquer la proportion anormalement élevée d’avortements thérapeutiques : entre 2000 et 2011, 30 à 50 % du nombre des grossesses dans le district contaminé de Stolyn, pourtant situé à 220 kilomètres de Tchernobyl.[20]

Je ne comprends pas bien ce passage. L’UNSCEAR ou l’OMS donnent des quantifications du nombre de morts à Tchernobyl en se basant sur les modèles linéaires sans seuil dont on a parlé et qui SUPPOSENT que les faibles doses de radioactivité ingérées depuis l’accident de Tchernobyl sont la cause de cancers et d’une surmortalité. Ils accréditent donc l’hypothèse que de faibles doses de radioactivité ont un impact sanitaire alors même que l’utilisation de cette hypothèse dans un cadre épidémiologique est de plus en plus critiquée.

Pour la dernière anecdote, j’ai lu la source qui est le bulletin d’une association et je n’ai pas trouvé ce que M. Balssarra raconte ici. La ville de Stoline est mal orthographiée dans l’article (Stolyn). Cette orthographe erronée se retrouve dans la source de l’auteur dans une une anecdote qui n’a pas grand chose à voir et qui date d’avant 2008. Encore un petit souci de source… Même si l’anecdote était parfaitement exact, l’absence d’étude scientifique ne veut pas dire que ça a un rapport avec Tchernobyl. Les avortements thérapeutiques n’ont pas pour seule raison possible une exposition à la radioactivité.

Car l’autre biais utilisé par Le Réveilleur est celui qui consiste à focaliser l’attention des spectateurs exclusivement sur les cancers thyroïdiens.

Partie couverte dans la vidéo… C’est juste faux.

Pourtant, les chiffres médicaux de certains territoires d’Ukraine et de Biélorussie indiquent une augmentation de l’instabilité génomique héréditaire après Tchernobyl. Certaines mutations génétiques des brins d’ADN d’une personne se transmettent de génération en génération, sans que l’on constate d’amélioration des désordres génétiques antérieurs, ni que la descendance ait été elle-même exposée aux radiations. Par exemple, dans certaines localités, le taux de malformations invalidantes va croissant : un doublement durant les 20 premières années suivant 1986, comme publié par Dmitri Lazjuk, le responsable de ce dossier au Belarus en 2006[21].

Bon c’est la source dont je parlais plus haut, j’ai longuement détaillé avant pourquoi j’ai un peu de mal à avaler tout rond tout ce qui en sort.

Une des hypothèses serait la mutation des cellules germinales des parents induites par l’irradiation, et transmises à l’enfant.[22] Il est donc encore trop tôt pour affirmer que ces modifications n’auront pas d’impact sanitaire sur les générations futures.

Cette fois-ci, on a une affirmation qui est sourcé par Wikipédia, ce qui est une progression. Certes, on est assez loin d’un article scientifique revu par les pairs et on aurait préféré des justifications un peu plus solide mais Wikipédia est constamment revu par les gens qui y passent. Il est donc plus difficile d’y écrire n’importe quoi que dans un bulletin associatif ou un livre qui n’est pas revu par les pairs. L’article wikipédia cité par M. Baldassarra montre que le sujet fait encore débat.

Le problème ici c’est l’argumentation déployé: vu qu’on ne comprend pas tout, il ne faudrait rien dire. Mais, on n’aura jamais une compréhension exhaustive d’un phénomène. La recherche scientifique est une lutte continue contre l’ignorance et ce que nous savons reste ridicule devant la quantité de choses que nous ne connaissons pas. Cette connaissance imparfaite est utilisée par d’autres mouvements cherchant à nier des éléments scientifiques. Par exemple, vu qu’on a de grosses incertitudes sur le rôle des nuages dans le changement climatique, on serait incapable de conclure sur le caractère anthropique du changement climatique. Et je suppose que dans cet exemple vous voyez beaucoup plus le problème.

Pire, on ne sera jamais capable d’affirmer que d’éventuels modifications n’auront pas d’impact sanitaire sur les générations futures. Imaginons qu’il y ait un impact visible. Par exemple, que les descendants des personnes irradiées aient toutes un troisième bras. Alors cet aspect serait facilement identifiable et on pourra conclure qu’il y a un effet. Mais si on ne trouve rien, est-ce qu’on peut conclure qu’il n’y a pas d’effet ? Non. Par exemple, l’effet est peut-être trop faible pour être détectable. Plus globalement, plus on accumule de données sur les conséquences sanitaires des rayonnements ionisants plus les effets sanitaires qu’on n’a pas encore trouvés sont faibles puisque si ces effets étaient forts, ils seraient visibles. Il est possible qu’on établisse un jour un lien quantifiable entre les rayonnements ionisants et d’autres maladies que celles qu’on a déjà évoqué. Mais, il est peu probable que ces nouvelles découvertes amènent à de grosses modifications des bilans humains parce que les effets les plus forts sont ceux qu’on identifie en premier.

_Autre affirmation problématique du youtubeur : « La peur du nucléaire a fait plus de dégâts que les rayonnements tant craints. » Le vidéaste résume en fait ici un argument bien connu des promoteurs de l’atome comme l’AIEA[23], l’agence chargée d’ « encourager et de faciliter, dans le monde entier, le développement et l’utilisation pratique de l’énergie atomique »[24]. Après Tchernobyl, ce genre d’institution développe l’idée qu’une partie des problèmes sanitaires rencontrés par les personnes qui vivent dans des territoires contaminés serait psychosomatique. Pour résumer, les leucémies, les cancers ou l‘arythmie seraient en fait le résultat du stress induit par la peur - injustifiée - des radiations. Le Réveilleur finit par conclure que « la désinformation tue ».

J’ai traité ce passage en vidéo.

Mais à Tchernobyl, cet argument ne tient pas, dès lors qu’on observe des mutations génétiques chez certains animaux vivant autour du lieu de l’explosion, comme les hirondelles[25]. Ces petits oiseaux ne sont pas sensibles aux discours anxiogènes sur la radioactivité. En 2012, Jean-Marc Jancovici livre pourtant une affirmation du même ordre, lorsqu’il déclare que « du point de vue des écosystèmes, et ce n’est pas du tout de l’ironie, un accident de centrale est une excellente nouvelle, car cela crée instantanément une réserve naturelle parfaite ». Et de conclure qu’à Tchernobyl, « le niveau de radioactivité est désormais sans effet sur les écosystèmes environnants. »[26]

L’effet de la radioactivité sur la biodiversité est un autre sujet… On va l’éviter et se concentrer sur la logique du paragraphe.

En gros, les recherches scientifiques montrent qu’il y a des conséquences psychologiques importantes après un accident nucléaire qui sont liées, entres autres, à la perception de la radioactivité. M. Baldassarra prétend que cet état de fait est invalidé par une étude montrant que des hirondelles dans les zones fortement contaminées montrent des problèmes de santé. On a un premier problème… les différents animaux et végétaux qui constituent le vivant ne sont pas aussi sensibles aux rayonnements ionisants. Admettons que si des humains habitaient dans ces zones contaminées, ils développent plus de cancers qu’ailleurs, après tout c’est fort probable. Maintenant, en quoi l’apparition de maladies induites par les rayonnements ionisants dans les zones fortement contaminées impliquent qu’ils ne puissent pas avoir de conséquences psychologiques liées à la perception de la radioactivité ? Vous voyez le problème logique dans ce paragraphe ?

En fait, je pense qu’on a encore affaire à un sophisme de l’épouvantail. M. Baldassarra explique qu’on ne peut pas attribuer tous les impacts sanitaires à la peur du rayonnement parce que des hirondelles développent des impacts sanitaires liés au radiation dans un environnement fortement contaminé. Le raisonnement serait valide si quelqu’un affirmait que tous les impacts sanitaires de la radioactivité découlent de mécanismes psychologiques/perceptifs. Mais, personne n’a jamais dit ça !

Dernière mise à jour le May 14, 2024 16:55 +0200

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